The Faces Project
Il y a les paysages et leurs grands espaces et vastes plaines, les natures mortes, les
photos animalières, le social et ses infinis problématiques... et puis tant d’autres choses
dans ce bas-monde. Mais pourquoi, pour paraphraser Robert Capa, ne pas se
rapprocher encore plus près d’un phénomène si proche de nous : L’être humain. Cette
créature si mystérieuse, remplie de paradoxes et capable du meilleur comme du pire. Et
pour questionner toutes ces facettes, rien de mieux que de balayer d’un revers de la
main les artifices et les fioritures pour aller à l’essentiel, à savoir le visage de l’Homme.
Ce visage qui intrigue depuis la nuit des temps, qui nous permet de sociabiliser avec
nos semblables, d’aimer, de haïr, de fuir, d’errer... ou même provoquer le suicide
(Narcisse se regardant dans une rivière). Un matériau si cher aux artistes, depuis la
Renaissance, et jusqu’aujourd’hui. Photographes, cinéastes, peintres, sculpteurs n’ont
arrêté de s’interroger sur ce visage qui exprime tant de choses. Et pour cause, c’est à
travers ce même visage que nous essayons de percer l’âme de quelqu’un, de le
comprendre, de voir ce que nous pouvons en tirer... de l’identifier. Car l’humain a
besoins de processus d’identification pour faire monde.
Sauf qu’aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’identifier un homme, une femme, un
vieux ou un enfant tellement les codes sont devenus univoques. Avec le pouvoir des
médias, depuis la fin des années 50 du siècle dernier, l’on assiste à une uniformité de
codes et d’habitus de l’être humain à travers le monde. Plus de gestes particuliers et
uniques, comme dirait Pier Paolo Pasolini. Mais une uniformisation des mimiques, des
comportements et des modes de vie. Et l’avènement des smartphones et des réseaux
sociaux n’a fait qu’accentuer ce phénomène. L’homme post-moderne essaie de fuir sa
visagéité pour se conformer désormais aux codes universellement intégrés : sourires
narquois, duck faces, des expressions de visages pour paraitre cools, comiques...
Toutes ces postures pour se représenter autrement que soi-même. Une sorte de
sublimation constante de nous mêmes à travers nos Selfies et nos « moments » postés
de manière régulière, voire obsédante, sur les réseaux sociaux. Et les médiums pour
exprimer cela sont actuellement abondantes : Instagram, Twitter, Facebook, Snapchat.
Des filtres par-ci, des effets par-la... Bref, tout ce qui peut nous montrer au meilleur de
notre forme physique et psychique.
Face à ces sur-représentations de l’individu évoluant dans des sociétés anxiogènes, le
photographe Badr Bouzoubaâ a simplement cherché à mettre celui-ci à nu. Et la
démarche est tout aussi simple : Un décor minimaliste pour percer ce qui fait respirer et
« vivre » chacun de nous : à savoir cette âme que nous cherchons tous à dissimuler
pour paraitre « forts », « beaux », « séduisants ». Les yeux des personnes
photographiées sont rivés sur l’objectif, avec une expression neutre afin de laisser
échapper ce qui est indicible, ce qui est incontrôlable en nous. Tout ce que nous
voulons voiler dans la société, qui nous dicte quoi faire, comment agir, sort de manière
instinctive. Il en résulte des clichés d’hommes et femmes libérés de tout artifice. Avec
Faces Project, le photographe Badr Bouzoubaâ remet juste les comptes à zéro pour
nous révéler telles que nous sommes ; c’est à dire nous-mêmes avec nos qualités,défauts, maladresses et ce qui fait notre charme.
Short film about the project
Directed by Nabil Merrouch